Je me souviens de ce moment redouté en début d’année scolaire, au cours duquel il fallait inscrire sur une petite fiche son âge, son adresse, et… la profession de son père… Et chaque année je pratiquais le mensonge par omission. Au lieu d’inscrire logiquement viticulteur ou mieux vigneron, ma copie fleurissait d’un " GERANT DE SOCIETE agricole ". Comment ai-je pu tomber dans cet honteux travers? J’étais tout simplement formaté pour oublier la richesse de notre terre, formaté pour réussir dans la vie, formaté pour ne pas être vigneron, formaté pour croire en un avenir meilleur et ailleurs, formaté pour oublier ma fierté… Combien d’entre nous, fils et petit-fils de vigneron roussillonnais ont entendu dans notre jeunesse le long et lancinant couplet du : " Tu ne vas quand même pas finir dans les vignes ! ", " Fais-toi une situation ailleurs, et après tu reviendras " A posteriori ces voix du " bon sens" me font maintenant doucement sourire, et surtout réagir. Alors oui ! J’avoue avoir très souvent une rage (…intérieure…ouf!) de faire reconnaître notre histoire, et nos vins non comme les rescapés d’un monde passé, mais comme des éléments vivant racontant, et exprimant avec sensibilité une réelle histoire d’amour entre des hommes et une terre. Une histoire bien trop précieuse pour disparaître.